Ϟ Que pensez-vous de l'existence d'une Dollhouse à Wellington ?
En arrivant à Wellington, je n'y croyais pas. Je veux dire, je ne savais même pas que ce mythe existait, comme si j'avais vécu tout ce temps sur une autre planète ou sur une île isolée du monde. J'en ai ensuite entendu parler, j'ai pris cela pour des histoires pour enfants ou des espèces de rumeurs créées de toutes pièces par le voisinage. Et puis un jour, par hasard, alors que ca n'était absolument pas prévu dans les plans, je me suis retrouvée face à... moi-même. Sur un site internet, moi, visiblement avec quelques années de moins, dans un clip de pop asiatique. Je veux dire, j'étais sensée avoir vécu à Wellington depuis tout ce temps, avoir été dans un lycée public en internat après que mes parents soient repartis au Japon, et puis avoir étudié l'informatique à la fac. Je n'avais aucun souvenir d'avoir tourné ou chanté de la musique japonaise...

Ϟ Pourriez-vous faire appel à une doll pour assouvir un fantasme ou une envie particulière ?
Je ne pense pas. Après m'être rendue compte que moi-même j'avais servi à ça, que j'avais personnellement fait mon temps dans une Dollhouse au Japon, je ne pense pas pouvoir assumer le fait de reprendre contact avec ce genre de société. Ca me fait peur. Je veux juste vivre ma vie, ou plutôt, ma nouvelle vie, simplement, sans avoir à me poser des questions d'éthique, de morale ou avoir de problèmes aussi irréels que ceux que peuvent produire une Dollhouse.

Ϟ Que vous soyez client ou non, que feriez-vous si l'on découvrait que la Dollhouse n'est pas une légende mais bel et bien un fait réel et que l'on exposait son existence au monde entier ?
Je suis sensée garder le secret en tant qu'ancienne Doll, j'imagine. Comme tous les clients doivent aussi garder le secret sur ces services. Je ne sais pas ce que je ferais si tout le monde savait la vérité. Cela serait encore plus difficile pour moi ou toutes anciennes Doll de vivre une vie normale sans que leur passé leur soit balancé à la tête à la moindre minute de journal télévisé ou discussion de voisinage. Même si les gens ne sont pas obligés de savoir, nous rappeler qu'un jour nous avons été rendus à l'état d'objets, pour une raison ou pour une autre, ca n'est jamais très agréable.

"Je ne sais pas si vous savez ce que ça fait quand on se rend soudainement compte que tout ce que vous croyiez vrai n'est que mensonges montés de toutes pièces. C'est ce qu'il m'est arrivé. Je croyais que j'étais depuis 24 ans Anna Itano, néo-zélandaise de parents japonais, à la scolarité banale et aux études d'informatiques dans la fac de Wellington la moins chère. Je pensais avoir été à mon bal de promo à la fin de ma terminale, je croyais même que le garçon qui m'avait invitée était ce taïwanais du club de base-ball nommé Andrew Chen, je croyais avoir fait les quatre-cents coups dans le voisinage avec ma copine Emily quand on avait huit ans.
Tout était faux... toute ma vie a été démolie en quelques secondes."

"C'était l'année dernière. Je sortais juste de ma fac, diplômée, et je me lancais à peine dans la vie active. Je ne me suis pas présentée, d'ailleurs. Anna Itano. J'ai 24 ans, je suis désormais informaticienne. Je croyais mener une vie normale depuis ma naissance.
Un jour, je suis tombée sur une vidéo. Une vieille vidéo qui traînait, datant de quelques années. Je crois qu'elle était sur le blog d'une connaissance japonaise de ma cousine, sur lequel je suis tombée par hasard. Je n'ai jamais rencontré cette fille, ma cousine ne m'a vue qu'une fois dans sa vie. C'était un clip de pop japonaise. Le titre, je ne m'en souviens plus, j'ai préféré oublier. La chanteuse : une gamine japonaise de seize ans, nommée Momoko Abe. J'ai regardé son nom, j'ai vu quelques commentaires positifs, je m'ennuyais : j'ai cliqué sur play.
J'ai pris la claque de ma vie : je me suis vue, moi, en chair et en os, dans ce clip, chantant les notes suraigues et les paroles niaises d'une chanson de j-pop acidulée, vêtue d'un costume à froufrous de toutes les couleurs. Vous me direz, comment ai-je pu être sûre que c'était moi ? J'ai envie de dire, quand vous vous voyez en vidéo, vous savez qui vous êtes. C'est dans vos tripes ; vous vous dites "Ca c'est moi", peu importe la tête, les vêtements, l'âge que vous avez dessus.

Je n'avais pas le moindre souvenir d'avoir tourné cette vidéo, ni d'avoir été une chanteuse pop, et encore moins de m'appeler Momoko Abe.
Je n'ai rien dit à personne. Je n'ai pas essayé d'appeler mes "parents" - étaient-ils réellement mes parents ? Je ne les avais pas vus depuis mon entrée au lycée, en internat. Qui appelais-je quand je téléphonais au Japon pour leur parler ? Qui étaient alors tous ces amis sur ma page Facebook ?
J'ai mené mon enquête. J'ai fait des recherches pendant un an sur l'agence, sur le label de la musique, sur cette Momoko Abe, sur tout. J'ai un peu trop fouiné à leur goût, sans doute... Beaucoup de mes questions avaient besoin de réponses. Je ne crois pas que c'était dans les plans de la Dollhouse de Tokyo que je tombe sur cette vidéo un jour.

Oui, j'étais une Doll. Une Doll engagée pendant quatre ans, jusqu'à mes dix-sept ans, pour la même compagnie : un gros label de musique japonais en grave déclin, ayant besoin d'une "idole parfaite" pour remonter leurs ventes et repartir sur un bon pied.
Mais une Doll coûte cher et un jour, mon contrat a pris fin. A ce moment-là, la Dollhouse a effacé mes souvenirs, m'en a implanté des nouveaux et envoyée à Wellington. Pour que je croie que je menais cette vie depuis toujours et que je disparaisse dans la foule sans poser de questions ni faire de vagues. C'est ce que la Dollhouse de Wellington m'a expliqué quand ils m'ont convoquée pour me faire taire et faire en sorte que j'arrête de fouiner. Ils m'ont expliqué mon contrat, les dates exactes.
Ils ne m'ont jamais dit pourquoi je m'étais engagée comme Doll à l'âge de treize ans. Probablement une raison inavouable qui m'aurait fait plus de mal que de bien. Ils m'ont demandée de garder le secret sous peine de sanctions judiciaires. Evidemment. Que feraient les habitants de la ville s'ils apprenaient que des dizaines d'entre eux ne sont que des poupées programmées pour assouvir leurs besoins ?"

Depuis la révélation sur sa vie, Anna a décidé de vivre comme avant ; elle a mis de côté ses souvenirs et les informations sur son ancienne "fonction". Ca n'est pas tous les jours simple. Elle essaie de se construire une vraie vie, faisant table rase de son passé et de ses anciennes "relations".
Anna est ingénieure informaticienne pour un studio d'enregistrement d'émissions de radio et de musique. Après avoir su la vérité sur son passé, elle a démissionné de la petite boîte d'assistance informatique dans laquelle elle travaillait - il s'était avéré que l'entreprise avait un lien avec la Dollhouse de Wellington, après son entrevue avec la directrice.
Anna cherche à se construire une vraie vie, mais ne serait-ce pas difficile quand on vit peut-être entourée de Dolls programmées pour coller à vos attentes les plus profondes ?

© Melody

Ϟ avatar ; koharu kusumi. Ϟ pseudo & âge ; Melody, 19 ans. Ϟ présence ; tous les jours~ Ϟ commentaires ? plop ! Ϟ souhaitez-vous avoir la possibilité d'être une Doll endormie ? Pour plus d'explication, cliquez ICI ; Haha en étant une ancienne Doll ca serait un peu con (a)